C’est une première mondiale : des chercheurs de l’Université hébraïque ont découvert une voie cellulaire distincte, dans le cerveau, qui présente les marqueurs de l’apparition future de la maladie d’Alzheimer, une vingtaine d’années environ avant que les symptômes ne se manifestent.
Cette détection précoce pourrait conduire à un traitement préventif de cette maladie dégénérative.
Naomi Habib ainsi que les doctorants Anael Cain et Gilad Green de l’Université hébraïque, ont dirigé une équipe de chercheurs dispersés entre les universités de Columbia et Harvard et le Rush Medical Center de Chicago.
Naomi Habib explique que la maladie d’Alzheimer “n’est pas seulement un vieillissement accéléré, mais qu’elle emprunte un chemin cellulaire bien à elle”.
L’étude menée permet désormais d’identifier les marqueurs moléculaires et de déterminer si un individu est sur la voie cellulaire d’un vieillissement sain ou au contraire de la maladie d’Alzheimer.
Cette découverte va permettre d’orienter les patients vers les traitements les plus appropriés.
« Nous pensons savoir ce qui est à l’origine de la maladie, mais nous devons désormais apporter la preuve que le fait de changer la réponse va permettre d’en inverser le cours » indique le professeur Habib.
À l’aide de données issues du cortex prefrontal de 437 cerveaux vieillissants, les chercheurs ont étudié 1,65 million de cellules cérébrales et montré que ces changements cellulaires – qui commencent au moins 20 ans avant les premiers signes de démence – déterminent le destin du cerveau vieillissant et la progression de la maladie d’Alzheimer.
L’étude a été publiée le mois dernier dans la revue scientifique à comité de lecture Nature.
Jusqu’à cette étude, les chercheurs n’avaient accès qu’à des tissus cérébraux post-mortem, explique Habib, 45 ans, au Times of Israel.
Cela signifiait que les scientifiques ne pouvaient comparer que des cas avancés de « cerveaux d’Alzheimer avec des cerveaux sains », poursuit-elle. « Nous avions de ce fait une information très biaisée parce que nous n’avions qu’une toute petite fenêtre sur le stade avancé de la maladie. »
Ces dernières années, « grâce à la coopération internationale », souligne-t-elle, les chercheurs ont construit un ensemble de données pour cartographier 1,65 million de cellules cérébrales. Dans le même temps, Naomi Habib et ses chercheurs ont développé un algorithme innovant, appelé BEYOND, qui leur a permis d’examiner les trajectoires de ces cellules cérébrales.
Cela permet de dire si telle ou telle personne est sur le point de développer la maladie d’Alzheimer ou sur une voie différente, celle d’un vieillissement dans de meilleures conditions de santé », explique le professeur Habib. « Nous avons pu distinguer ces deux processus à l’œuvre dans ces cerveaux vieillissants et en étudier de bout en bout la dynamique. Nous avons pu voir ce qui se passait tout au long de ces étapes. »
Cela a été rendu possible par la très grande quantité de données et une approche algorithmique unique, poursuit-elle.
Piratage du cerveau
À l’intérieur du cerveau se trouvent des cellules de soutien – les cellules gliales autrement appelées microglies et astrocytes – qui, selon Habib et son équipe de recherche, commencent à changer au tout début de la maladie d’Alzheimer, en réagissant d’une manière « résolument déterminante ».
« Il s’écoule de nombreuses années entre l’événement initiatique et le pronostic clinique de démence », précise Habib. Mais en identifiant les cellules spécifiques impliquées, « nous avons ouvert la voie à l’identification précoce des personnes à risque de maladie d’Alzheimer ».
« C’est réellement passionnant », confie-t-elle, « parce que tout cela a lieu avant les premiers symptômes cliniques de démence, lorsque les chances de guérison sont encore élevées. »
Une découverte majeure qui nous l’espérons augurera de nouveaux traitements efficaces et précoces.